Dessins de Victor HUGO

L’auteur de ce site souhaite promouvoir naturellement ses propres peintures, mais étant un inconditionnel de Victor Hugo et tout en restant dans un cadre pictural, il vous propose une phase peu connue de Victor Hugo dessinateur. J’espère que vous serez surpris de découvrir avec quelle intensité créatrice elle double ses écrits.

 

- S’il n’était pas poète, Victor Hugo serait un peintre de premier ordre, il excelle à mêler dans ces fantaisies sombres et farouches, les effets du clair-obscur de Gaya à la teneur architectonique de Piranèse.

Théophile Gautier

 

Les Douvres

Plume ; pinceau, encre brune et lavis, gouache blanche sur papier d’album ; collé sur un feuillet de support 295x420 où figure la note autographe :

« dans ce dessin, de même que sur le frontispice, j’ai trop penché la cheminée, entrevue, de la Durande échouée. Elle doit être beaucoup plus droite. » ; était placé entre les ch.3 et 4 du livre 1er de la 2e partie. – 237x367. N.a.f. 24745,f.232 (boîte 3,n°27)

« C’est deux piliers c’étaient les Douvres. L’espèce de masse emboîtée entre eux comme une architrave entre deux chambranles, c’était la Durande. […] Les Douvres, élevant au-dessus des flots la Durante morte, avaient un air de triomphe. On eût dit deux bras monstrueux sortant du gouffre et montant aux tempêtes ce cadavre de navire. C’était quelque chose comme l’assassin qui se vante. »

« L’espèce de H majuscule formée par les deux Douvres ayant la Durande pour trait d’union, apparaissait à l’horizon dans on ne sait quelle majesté crépusculaire. » (Les Travailleurs de la mer, T II, I, i)

L’ensemble de la masse rocheuse peut se lire comme un gigantesque V.H.

 

 

Les douvres

Etude de tête

 

Etude de tete

 

Le corps humain pourrait bien être qu’une apparence. Il cache notre réalité. Il s’épaissit sur notre lumière ou sur notre ombre. La réalité c’est l’âme. A parler absolument, notre visage est un masque. Le vrai homme, c’est ce qui est sous l’homme. Si l’on apercevait cet homme-là, tapi ou abrité derrière cette illusion qu’on nomme la chair, on aurait plus d’une surprise.

LES TRAVAILLAURS DE LA MER ? 1866. 1ere partie, Livre III, I.

Dessin de Victor Hugo : Étude de tête, 1865-1869 Fusain, sur papier bleu 23,6x17,4

 

 

Ripa

Ripa 1857

Plume, barbes de plume et encre brune, l'avis gris, crayon de graphite, fusain et aquarelle, sur papier vélin. H86 X L91.

Signé en bas à droite : Victor Hugo/Guernesey. 1857

Au dos : Souvenir à mon cheret courageux compagnon d’exil Charles Fournier/ V.H./ Guernesey-1857

Paris, musée du Louvre,département des arts graphiques.

Cette carte de visite fut adressée pour les étrennes à un autre proscrit, Charles Fournier. Le paysage est celui du havre de Saint-Pierre-Port où aborda Victor Hugo arrivant de Jersey le 31 octobre 1855. Au centre se distingue l'église évoquée en termes imagés par Victor Hugo : "Elle donne la bienvenue à ceux qui arrivent et l'adieu à ceux qui s'en vont. Cette église est la majuscule de la longue ligne que fait la façade de la ville sur l'océan." (Les Travailleurs de la mer, III, III, 1)

 

 

Ripa

La Turgue

La tourgue

 

 

La Tourgue en 1835

Plume, Lavis, Encre sur papier H 30.3 L 19.8 cm

Inscription en bas à droite à l’encre brune : « La Tourgue/en 1835/V.H.

La Tourgue est la vieille bastille en ruine des Gauvain, dans le roman : Quatrevingt-treize rédigé de décembre 1872 à juin 1873, publié en 1874, c’est le dernier roman de Victor Hugo (1802-1885). L'écrivain en forma le projet à la suite de la parution des Misérables, en 1862

Les dessins de Victor Hugo – à l’exception du grand cycle pour "Les travailleurs de la Mer" – ne sont que rarement en relation directe avec son œuvre littéraire. « La Tourgue en 1935 » fait partie de ces exceptions ayant été réalisée spécifiquement comme projet d’illustration ainsi que l’écrivain le note dans ses carnets, à la date du 30 mai 1876 : « J’ai fait pour le 93 illustré le dessin de la Tourgue en ruine ».

Selon le souhait de Victor Hugo, la première publication n’est jamais une édition illustrée, mais celle-ci suivait de peu dès que paraissait une édition populaire. C'est le cas ici, pour la publication du roman dans "l'Edition Eugène Hugues" ou "Edition du Victor Hugo illustré", en 1876, pour laquelle plusieurs illustrateurs - comme Gustave Brion, Emile Bayard, Henri Louis Scott - donnent des dessins. Paul Meurice qui est le maître d'œuvre de l'édition Hugues, a à cœur d'y reproduire nombre de dessins de Victor Hugo et sans nul doute a-t-il convaincu Victor Hugo de réaliser un dessin pour ce volume. On sait que pour son héros, Hugo a repris le nom de famille de Juliette Drouet, « Gauvain ». Aussi pour le château familial s’inspire-t-il de la Tour Mélusine du château de Fougères, ville natale de Juliette, qu’il avait visité et dessiné le 25 juin 1836 (et non 1835 comme voulait le rappeler l’inscription portée sur cette feuille).  Ici Hugo mêle le souvenir réaliste de la tour de Fougères et la fiction littéraire, avec la ruine de la galerie incendiée. Le dessin témoigne d’une grande virtuosité technique notamment dans l’utilisation du voile vaporeux d’un fin réseau de dentelle obtenu par la diffusion de l’encre sur le papier mouillé ; cette utilisation de l’aléatoire est d’une grande modernité. « La Tourgue » est sans doute le dernier grand dessin de Victor Hugo dont l’œuvre graphique se réduit dans les dernières années de sa vie. Ce dessin a figure à l'exposition de la galerie Georges Petit, en 1888, qui fut la première exposition publique de dessins de Victor Hugo, sous la rubrique "Collection de M. Paul Meurice", n° 83.

Réf : Paris musée collections Maison Victor Hugo-Hauteville Housse

Une Bastille de province

Le voyageur qui, il y a quarante ans, entré dans la forêt de Fougères du côté de Laignelet en ressortait du côté de Parigné, faisait, sur la lisière de cette profonde futaie, une rencontre sinistre. En débouchant du hallier, il avait brusquement devant lui la Tourgue.

Non la Tourgue vivante, mais la Tourgue morte. La Tourgue lézardée, sabordée, balafrée, démantelée. La ruine est à l’édifice ce que le fantôme est à l’homme. Pas de plus lugubre vision que la Tourgue. Ce qu’on avait sous les yeux, c’était une haute tour ronde, toute seule au coin du bois comme un malfaiteur. Cette tour, droite sur un bloc de roche à pic, avait presque l’aspect romain tant elle était correcte et solide, et tant dans cette masse robuste l’idée de la puissance était mêlée à l’idée de la chute. Romaine, elle l’était même un peu, car elle était romane ; commencée, au neuvième siècle, elle avait été achevée au douzième, après trois croisades.

Réf : tiré du texte du roman de Victor Hugo Quatrevingt-treize - Troisième partie en Vendée – Livre deuxième : Les trois enfants, IX, l.

  • Extrait de l’article de Camille Pelletan, journaliste daté du 5 mars 1874 dans L’Egalité de Marseille :

Tout d’abord une description du château (La Tourgue), qui dépasse tout. Avez-vous vu quelquefois des dessins de Victor Hugo ? Ces rêves d’une terrible précision de ruines fantastiques, où les pierres déchiquetées semblent vivre ?

Nous y pensions en lisant ces admirables pages où les mots arrivent à la netteté de la peinture. La lecture finie, on connait le château, comme si on l’avait, je ne dis pas vu, mais habité.

  • Extrait de l’article de Philippe Burty L’Art, 12 septembre 1875

La Tourgue en 1835

Victor Hugo possède un degré énergique la faculté d’emprisonner dans un contour, d’évoquer par un jeu de lumière, de noyer dans des ombres l’image des choses que fait vivre son vers, Burgs démantelés soudés aux pics, levers de lune qui donnent aux arbres des silhouettes de fantômes, tempêtes qui assaillent des barques, lacs immobiles, rivières serpentant dans de larges plaines, palais féeriques, citadelles fabuleuses, gorges arides, cathédrales élancées, lourds pignons sur rues, même les foules bariolées qui vont vers des buts inconnus et les êtres dont l’allure ou la physionomie, rapidement entrevues, ont une intensité.

Exceptionnelle ; il a tout réduit avec une certitude étonnante […].

Date de dernière mise à jour : 27/03/2024